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Parentalité

J’ai testé l’allaitement, et j’ai détesté ça

Avouer qu’on n’a pas aimé allaiter son enfant est un sujet encore tabou, même en 2021, alors que les injonctions faites aux femmes perdent peu à peu de leur poids. Et pourtant…

Article initialement publié le 6 aout 2020 

Allez, moment confidence. Je crois que je n’ai jamais aimé allaiter. Après ne pas avoir aimé être enceinte, c’était peut-être une suite logique. Heureusement que j’aime ma fille, sinon je me serais vraiment plantée sur toute la ligne !

Non, l’allaitement, ça n’était vraiment pas mon truc. Et ce pour un bon nombre de raisons.

Je n’ai pas aimé allaiter

Quand je prononce cette phrase, j’ai souvent le droit à des sourcils levés, et à des questions plus ou moins bienveillantes. Pourtant, c’est vraiment un ressenti profond : un moment que je n’ai que très peu apprécié, voire pas du tout.

Devoir encore partager mon corps alors que je l’avais déjà fait pendant neuf mois à contrecœur, ne pas pouvoir consommer ce que je voulais sans réfléchir et compter les heures entre un verre de vin et une tétée,  être seule à nourrir ma fille et donc à me lever la nuit pour les repas nocturnes… Bof.

Et encore, je crois que ce n’est pas ce que j’ai détesté le plus. Non, le pire pour moi, c’était que mes seins, avec qui j’ai toujours eu un rapport compliqué, étaient devenus des biberons géants.

Je vous en avais parlé dans un précédent article, j’ai une forte poitrine. Et quand je devais sortir un téton pour nourrir ma fille, c’était toute une gymnastique à mettre en place pour ne pas me retrouver complètement à poil.

Quand j’étais chez moi, ça allait, mais quand j’étais en extérieur, avec d’autres personnes autour de moi, à devoir la nourrir immédiatement-tout-de-suite (un bébé qui a faim n’attend pas), j’étais extrêmement mal à l’aise.

Pas de la nourrir, c’était naturel, mais de devoir dévoiler une partie de mon intimité devant mes proches et les inconnus qui gravitaient autour de nous.

Je pense que si j’avais eu une plus petite poitrine, ça aurait été plus simple et surtout plus discret. Mais avec mon 110E, l’allaitement ne passait pas inaperçu.

Peut-être que j’aurais pu m’en foutre, peut-être que j’aurais pu ignorer les regards, peut-être que j’aurais pu faire comme si cet acte, ô combien naturel, ne me gênait pas. Mais c’était impossible.

J’aurais aimé pouvoir allaiter en public comme des millions de mères, comme celles qu’on peut voir dans les restaurants, dans les parcs, sur Instagram. J’aurais bien aimé pouvoir être comme elles, mais je n’y arrivais pas, et je ne le voulais pas.

L’allaitement en public ne devrait pas être un tabou, et quand je lis, par exemple, l’histoire d’une femme dans un restaurant qui, après que le personnel lui a demandé de « se couvrir », a pris le contrepied de leur réflexion en se cachant le visage directement, je me dis que ce combat n’est peut-être pas le mien, mais qu’il est clairement entre de bonnes mains. C’est rassurant.

Mes seins ont été sexualisés pendant l’allaitement

Un jour, je me souviens, ça a été le coup de trop : j’étais en promenade dans un bois parisien (donc pas du tout isolé et avec du monde), et ma fille a eu faim.

Il n’y avait pas d’endroit où m’assoir, et j’ai préféré m’installer sur la banquette arrière de la voiture qu’on avait garée pour la nourrir, me disant qu’au moins, j’allais être un peu peinarde et cachée.

C’était sans compter les promeneurs qui passaient à côté de nous, et surtout cet homme-là, qui a marqué une pause près de la vitre et a regardé ce que je faisais. Ou plutôt, qui a regardé mon sein avec un regard…

Tu vois de quel regard je parle. Il ne voyait pas un moment mère-fille, il ne voyait pas un simple allaitement, il voyait un morceau de ma poitrine dénudée, et ça lui donnait envie. Il a sexualisé ce moment intime et chaste.

J’étais figée, ma fille collée contre moi, seule dans la voiture avec ce type qui matait un truc qui vraisemblablement l’excitait. Je n’arrivais pas à parler, je n’arrivais pas à réagir, je serrais plus fort ma fille, attendant avec horreur qu’il déguerpisse et qu’il nous laisse tranquilles.

J’ai eu l’impression que ça durait beaucoup trop longtemps, avant qu’il ne se décide à continuer sa route, un sale petit sourire aux lèvres.

J’ai éclaté en sanglots : c’était l’évènement de trop. J’allaitais ma fille depuis six mois alors que je détestais ça, je faisais tout ou presque pour me cacher à chaque tétée depuis sa naissance, et là, c’était la goutte qui faisait déborder le biberon : je n’en pouvais plus.

J’avais tenu aussi longtemps que je le pouvais et je ne voulais plus continuer. Suite à cet épisode, j’ai commencé à la sevrer en douceur, et j’ai arrêté l’allaitement, enfin.

Aujourd’hui, si je devais revivre cette scène avec ce mec au regard lubrique, je pense que je l’enverrais bouler bien fort. Je pense que je sortirais de la voiture, sein à l’air et sûre de moi, et que je lui dirais très clairement ma façon de penser sur son regard déplacé. Avec un peu de courage supplémentaire, je lui enverrai même peut-être une lichette de lait maternel en plein dans les yeux, mais bon, je ne sais pas très bien viser, et à tout moment ça se transforme en petite giclette ridicule. 

Pour de vrai, je ne pense pas que je tenterais l’approche pédagogique avec ce genre de type, ça ne sert à rien. Je n’ai pas envie de lui apprendre à se comporter comme un être humain décent, c’est pas mon boulot. Vous commencez à me connaître : je cogne d’abord, je parle ensuite. Comment vous auriez réagi, vous ?

Je n’ai pas aimé l’allaitement, mais je l’ai fait quand même

Mais pourquoi est-ce que j’ai allaité alors que je n’en avais pas envie ? Pour de multiples raisons, qui, j’en avais l’impression, ne m’appartenaient pas toutes.

J’avais envie d’essayer. Comment savoir que ce n’était pas mon truc si je ne testais pas ? C’est toujours mon leitmotiv dans la vie : « Tu ne peux pas dire que tu n’aimes pas tant que tu n’as pas goûté. »

Au début, je me fixais des petits objectifs : je ne voulais allaiter que les premiers jours pour le colostrum – le premier lait un peu jaunâtre qui vient juste après l’accouchement, bourré de protéines et d’anticorps, qui aide le bébé à avoir une bonne immunité.

Puis je voulais essayer de tenir quinze jours. Puis un mois. Et pouf, d’un coup, j’en étais à six. Je savais pour sûr que je ne voulais pas d’un allaitement long, pour les raisons citées plus haut. Mais je voulais tenter l’expérience.

Et pour moi, c’était réussi. J’avais allaité ma fille, j’avais tenu bon. Mais au fond, est-ce que je n’aurais pas dû m’écouter plutôt que de subir ces moments ? Est-ce que ces instants avaient été heureux ?

J’ai allaité, mais ce n’était pas vraiment mon choix

J’avais cédé à la « pression » sociale qui me disait que le lait maternel était le meilleur pour mon bébé tout neuf. C’était sûrement le cas, je n’en doute pas.

Mais ce que je retiens surtout des discours de certaines professionnelles ou même de mon entourage, sans parler des divers forums de parentalité que je fréquentais pendant ma grossesse, c’est que je me devais d’allaiter, et que si je ne le faisais pas, c’est parce que j’étais égoïste, voire que j’étais une mauvaise mère.

Grosse ambiance.

Selon ces personnes, il était primordial que mon bébé boive de mon lait et surtout pas du lait en poudre. Pourquoi ma fille devrait-elle boire autre chose que ce qui venait de mon corps ? Pour ces gens-là, le non-allaitement était une aberration.

J’ai allaité à contrecœur parce que j’avais cédé à la pression, parce que je n’avais pas envie d’être jugée pour un choix différent, parce que j’étais paumée, fatiguée, en pleine chute d’hormones, parce que j’étais traumatisée par mon accouchement compliqué, parce qu’on m’avait dit « il faut faire ça » alors j’ai fait comme on me disait.

C’était mon premier bébé, je n’y connaissais rien, et je voulais bien faire. Je ne voulais pas qu’on me dise ou qu’on pense que j’étais une mauvaise mère (ce qui n’aurait pas été le cas, quoi qu’ils en pensent.)

Mais si c’était à refaire, est-ce que je retenterais l’expérience ? Si je devais avoir un deuxième enfant, est-ce que je l’allaiterais aussi ? Je ne pense pas, non. Je pense que je tiendrais le coup le temps du colostrum et puis je passerais aux biberons de lait en poudre.

On verra hein, on n’en est pas là. Mais ce qui est certain, c’est que je ne céderai plus à la pression et surtout aux injonctions, je ne me laisserai plus atteindre par les jugements, et que je ferai comme je le voudrais, comme je le sentirais.

À lire aussi : Rassurez-vous, vous n’allez pas casser votre bébé si vous ne l’allaitez pas


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Les Commentaires

3
Avatar de Noyu
5 juillet 2021 à 09h07
Noyu
Merci pour cet article. J'allaite mon enfant depuis 1 an, et moi ça me plaît. C'est important d'avoir des témoignages comme celui-ci pour comprendre que l'allaitement devrait être avant tout un choix. On fait tous.tes de notre mieux, c'est tellement compliqué la parentalité qu'on ne devrait pas se battre contre toutes les remarques et injonctions (Et bon sang mais le coup du voyeur, c'est glaçant)... J'ai de la chance d'être du bon côté de la norme actuelle sur ce point-là. Ce que je trouve intéressant, c'est aussi de constater à quel point le vécu est différent selon le parent et l'enfant, certaines pratiques sont très contraignantes pour certains alors que pour d'autres ces façons de faire sauvent la vie, et on fait globalement tous comme on peut, il me semble.
Bref, très bel article.
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Voir les 3 commentaires

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