Live now
Live now
Masquer
"Crédit photo : Phil Roeder / Flickr "
Actualités France

« Je suis au bout du rouleau et nous ne sommes qu’au début de l’année »

Face à la deuxième vague de Covid-19, la France s’est reconfinée, mais pas les écoles, collèges et lycées que le gouvernement a laissé ouverts. Laissant leur personnel bien démuni face à des protocoles sanitaires inapplicables et à une multiplication des cas positifs.

« Vous avez repris le travail en présentiel devant vos élèves pendant que toute la France s’est reconfinée… comment le vivez-vous ? » À cette question simple posée la semaine dernière au personnel de l’Éducation nationale, nous avons reçu des dizaines de réponses inquiètes, en colère, fatiguées…

Nos lectrices qui travaillent dans les écoles, collèges et lycées restés ouverts en France malgré le confinement nous ont expliqué pourquoi elles jugeaient que le gouvernement avait mal géré la deuxième vague de Covid-19 dans les établissements scolaires.

Une prise de parole importante alors que les principaux syndicats de l’enseignement primaire et secondaire appellent à faire grève ce mardi 10 novembre.

Le manque de moyens face au COVID-19

La plupart des profs et CPE (Conseillère Principale d’Éducation) qui ont répondu à notre appel à témoignages le disent : elles étaient heureuses de retrouver les élèves en face à face, après un premier confinement difficile à vivre. C’est ce que m’explique Laura*, prof de physique-chimie en collège.

« J’adore enseigner, et avoir dû le faire à distance à été très dur. J’aime échanger avec les élèves, les voir évoluer, réfléchir, questionner… Ce dont on a besoin aujourd’hui ça n’est pas de fermer les établissements scolaires, c’est de leur donner des moyens. »

La jeune femme dénonce notamment la surpopulation dans les établissements qui empêche de mettre en place de la distanciation sociale pendant les cours, les récréations ou à la cantine. Mais aussi l’impossibilité d’aérer des salles dont les fenêtres ne s’ouvrent pas, les masques inadaptés et le gel hydroalcoolique en quantité insuffisante.

Sans oublier le manque de surveillants et de personnels d’entretien qui jouent un rôle crucial dans l’application des protocoles sanitaires.

Un protocole « impossible à suivre »

Un constat partagé par Amandine*,  jeune CPE dans un petit collège de campagne.

« Le protocole a été écrit par des gens qui n’ont pas mis les pieds dans un établissement scolaire depuis longtemps. Les directives sont impossibles à suivre tant par le manque de moyens humains que financiers. Nettoyer les salles tous les jours, le gymnase chaque soir, les toilettes, les tables, chaises, claviers d’ordinateurs… c’est impossible ! Nous n’avons que quatre agents de service.

On ne peut pas non plus respecter les règles de distanciation à la cantine. On tente tant bien que mal de faire en sorte que les élèves mangent avec ceux de leur classe avec un système de numérotation des tables et avec des règles strictes. Le tout avec un seul adulte de surveillance, car mon équipe de vie scolaire est elle aussi en sous-effectif. Et il faut désinfecter entre chaque service ? Impossible, sinon des élèves n’auront pas le temps de manger. Alors on court partout avec des lingettes pour désinfecter les tables avec l’infirmier scolaire. Bref, c’est beaucoup de stress et ça nous empêche de réaliser nos missions de CPE. Je suis au bout du rouleau alors que nous ne sommes qu’au début de l’année ! »

« Le moral et la motivation sont au plus bas »

Ce manque de personnel met vraiment en colère Agathe*, prof dans un collège REP (Réseau Éducation Prioritaire) qui ne comprend pas pourquoi le gouvernement n’a pas anticipé…

« Toute cette situation était prévisible, on aurait pu embaucher davantage de personnels d’entretien et d’éducation, comme ça a été fait dans d’autres pays européens. Chez les enseignant·es de mon collège, le moral et la motivation sont au plus bas. Nous recevons toutes les consignes au dernier moment et nous apprenons les nouveaux protocoles via les médias. On se sent abandonné·es et j’avoue ne pas me sentir rassurée pour ma santé ou celle des élèves. »

De nombreuses enseignantes nous ont raconté à quel point ces changements de consignes et annonces faites par médias interposés les avaient blessées ces dernières semaines, comme Caroline*, professeure de français dans un lycée de banlieue parisienne.

« J’ai passé une partie de mes vacances la boule au ventre, à tenter de digérer l’horreur de l’assassinat de Samuel Paty et à me demander comment j’allais aborder le sujet avec mes élèves, à tenter de réfléchir à la continuité pédagogique en cas de reconfinement puis à anticiper le protocole renforcé. Quand le ministre a retiré l’une après l’autre toutes les mesures qui auraient pu nous aider à préparer plus sereinement la rentrée [NDLR : comme l’annonce d’une rentrée décalée à 10h le lundi, avant de finalement rétropédaler], j’ai été très en colère ».

« Je ne me sens pas protégée par l’institution »

Au-delà de la peur du virus, c’est vraiment ce sentiment de ne pas être soutenue par sa hiérarchie qui crée du ressentiment chez Morgane*, CPE dans un collège d’Île-de-France.

« Je n’en veux pas à mon chef d’établissement qui a les consignes en même temps que nous. Il fait comme il peut de manière plus ou moins bienveillante, mais je suis en colère envers le rectorat et le ministre. Je ne me sens pas protégée par l’institution et j’ai peur qu’exprimer mon mécontentement puisse se retourner contre moi. »

La jeune femme pointe également des relations parfois tendues avec les parents.

« Je me suis déjà faite insulter deux fois cette semaine parce que les élèves ont mis plus de temps à sortir que d’habitude à cause du protocole. Je sais que tout le monde est à cran en ce moment, mais j’aimerais bien un peu plus d’indulgence, de bienveillance et de patience de la part des parents d’élèves. »

Passer en demi-groupes : une option intéressante

Ce que Morgane espère maintenant, comme l’écrasante majorité des personnes qui ont répondu à notre appel à témoignages, c’est le passage en demi-groupes, avec 50% des élèves à distance et 50% des élèves en présentiel, en alternance.

Ce mode de fonctionnement, déjà testé en mai-juin, peut désormais être mis en place dans les lycées, sans être — pour l’instant — obligatoire. C’est le ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer, qui a annoncé cette décision jeudi 5 novembre, après la tenue de plusieurs manifestations lycéennes pour protester contre les conditions sanitaires.

En attendant que les collèges (et écoles) puissent bénéficier d’une telle mesure, Morgane s’inquiète…

« Je ne suis pas favorable à une fermeture complète des établissements, parce que j’ai vu à quel point les élèves avaient souffert du confinement précédent. Mais j’ai peur de l’épuisement du personnel… En Juin, on se disait : il y a un mois à tenir, on va y arriver !. Là on se dit qu’il faut tenir jusqu’en mars, avril… »

*Les prénoms ont été modifiés

Crédit photo : Phil Roeder / Flickr


Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.

Les Commentaires

Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.

Plus de contenus Actualités France

Bâtiments du 4° bataillon de l'école spéciale militaire de Saint-Cyr Coetquidan ; au premier plan, celui de la 13e compagnie en 2018 // Source : Wikimedia Commons / Alain.Darles EOR Saint-Cyr à Coetquidan 1971 / Licence Creative Commons
Actualités France

Violences sexistes et sexuelles à l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan : l’enquête choc de FranceTV

1
Mode

Quelle est la meilleure culotte menstruelle ? Notre guide pour bien choisir

Humanoid Native
La mairie de Paris décroche les pubs pour le livre transphobe des TERF les plus célèbres de France // Source : Capture d'écran Twitter
Actualités France

La mairie de Paris décroche les pubs pour le livre transphobe des TERF les plus célèbres de France

1
macron coupe du monde
Actualités France

Emmanuel Macron mécontente 3/4 des Français·e·s (et surtout les femmes), selon un nouveau sondage

1
C'est au collège Arthur Rimbaud qu'a eu lieu l'agression de Samara, 13 ans, suite à des semaines de cyberharcèlement via des comptes Fisha // Source : Capture d'écran vidéo Twitter
Actualités France

Agression de Samara, 13 ans, à Montpellier : c’est quoi un compte fisha, au cœur de l’affaire ?

2
Source : Dnalor 01
Actualités France

Qui est Mélanie Berger-Volle, choisie pour porter la flamme olympique ?

Rodnae production de la part de Pexel // Source : Rodnae production de la part de Pexel
Actualités France

Fin de vie : les cinq conditions à remplir pour avoir recours à l’aide à mourir

Maryse Condé photographiée lors du Calabash Literary Festival 2007 // Source : Creative Commons : Georgia Popplewell via Flickr
Livres

Maryse Condé, grande autrice guadeloupéenne, aura-t-elle un hommage national ?

6
Grâce à Judith Godrèche, l'Assemblée envisage une commission sur le travail des mineur·e·s dans le cinéma et la mode.jpg // Source : Capture d'écran YouTube de LCP - Assemblée nationale
Actualités France

Grâce à Judith Godrèche, l’Assemblée envisage enfin une commission pour protéger les mineurs dans le cinéma et la mode

Un visuel de l'étude menée par Dove & Linkedin sur les discriminations capillaires, en faveur de l'adoption du CROWN Act aux États-Unis.jpg // Source : Dove x LinkedIn
Actualités France

Les discriminations capillaires seront-elles bientôt sanctionnées en France ?

7
Source : Capture d'écran Youtube
Actualités France

Affaire Noël Le Graët : Amélie Oudéa-Castera mise en examen pour diffamation

La société s'écrit au féminin