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"Waly Dia / On n'est pas couché"
Féminisme

Waly Dia critique #MeToo dans On n’est pas couché, et je lui réponds

L’humoriste Waly Dia a critiqué #MeToo sur le plateau d’On n’est pas couché. Faustine t’explique pourquoi son intervention est le signe d’une méconnaissance du mouvement et donne des pistes à ceux qui voudraient mieux comprendre le sujet des violences faites aux femmes.

Le 15 février, l’humoriste Waly Dia était invité dans l’émission On n’est pas couché et il a pris la parole sur le mouvement #MeToo. Je te laisse découvrir l’extrait :

“C’est vrai que c’est quelque chose dont j’étais pas vraiment conscient, mais comme l’ensemble du monde.

On s’est rendu compte que le viol c’était pas bien à #MeToo, quand ça a touché des actrices.

Quand ça touchait des boulangères et des secrétaires, c’était pas assez grave pour que ça devienne un sujet mondial et c’est ça qui m’a choqué”.

Je ne suis pas d’accord avec cette analyse de #MeToo faite par Waly Dia, car elle ne prend pas en compte selon moi toute une partie du mouvement.

Waly Dia fait une critique réductrice de #MeToo

Je m’explique.

#MeToo, ça ne se résume pas seulement à des stars d’Hollywood qui parlent des violences sexuelles qu’elles subissent dans leur milieu.

#MeToo, c’est surtout une libération de la parole des femmes et une prise de conscience à l’échelle planétaire.

Un mouvement qui permet à des filles et des femmes de dire “moi aussi”, alors qu’elles n’avaient jamais osé auparavant, et ce quelles que soient leur classe sociale ou leur notoriété. 

#MeToo a mis le sujet des violences sexuelles sur le devant de la scène médiatique et culturelle et y a exposé TOUT LE MONDE.

C’est le point de départ d’un vaste changement qui est en train d’opérer, et qui n’est pas terminé.

Critiquer le mouvement sur le seul fait qu’il soit parti d’Hollywood, c’est réducteur.

#MeToo a beau avoir été lancé par une poignée d’actrices célèbres, il a permis à la boulangère et à la secrétaire, pour reprendre les mots de Waly Dia de faire entendre leur voix. Et ça, c’est important de le saluer.

Si le viol des boulangères et des secrétaires ne touchait personne, ça n’est pas à #MeToo qu’il faut le reprocher. Et puis, peut-être qu’elles en parlaient déjà, mais qu’elles n’étaient pas écoutées. 

Si beaucoup de femmes ne sont pas entendues lorsqu’elles parlent des violences sexuelles qu’elles ont subies, c’est bien souvent parce que leurs interlocuteurs connaissent mal le sujet. Et refusent de les croire. Refusent de croire que, OUI, les violences sexuelles ont une telle ampleur.

Les combats contre les violences sexuelles existaient avant #MeToo

Pourtant, avant #MeToo, les combats contre les violences sexuelles existaient déjà, en France et dans le monde.

Dès 1972, l’avocate Gisèle Halimi avait défendu une jeune femme mineure poursuivie pour avoir avorté après un viol, lors du procès Bobigny. Le tout avec le soutien du Mouvement de Libération des Femmes (MLF), très engagé contre le viol depuis sa création en 68.  La loi de légalisation de l’IVG de 1975 doit beaucoup à ce combat.

En 1985, le Collectif féministe contre le viol a vu le jour. Christine Angot publie L’Inceste en 1999 et Virginie Despentes King Kong Théorie en 2006 dans lesquels elles parlent toutes deux des viols qu’elles ont subis.

En 2010, l’association Osez le féminisme lance la campagne « La honte doit changer de camp ».

En 2014, la ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem utilise le terme de « culture du viol » dans un discours à l’Assemblée Nationale pour dénoncer la banalisation de la misogynie sur Internet.

Ces exemples ne sont pas exhaustifs, mais ils permettent d’illustrer une réalité : on parlait déjà de ces sujets AVANT #MeToo. 

Certes, ça n’était pas forcément « grand public » et on pouvait vivre sans y être confronté. Sauf si l’on était concernée…. ou bien si l’on prenait la peine de s’y intéresser.

Or, il semble que le sujet des violences sexuelles est jusqu’ici majoritairement investi par les femmes. Le discours de Waly et son incompréhension du mouvement #MeToo témoignent pour moi d’une chose : beaucoup d’hommes méconnaissent complètement le sujet des violences sexuelles vécues par les femmes.

Ce qui a changé avec #MeToo, notamment grâce au relais des réseaux sociaux, c’est que les hommes ne peuvent plus vivre sans savoir, ou ignorer la réalité.

Comment mieux lutter contre le sexisme ?

Le but de cet article n’est pas de dénigrer Waly Dia, dont j’apprécie, au demeurant, le travail d’humoriste, mais plutôt de donner des pistes aux hommes pour être un allié dans les combats féministes actuels et à venir.

À propos de la réalité des violences sexuelles subies par les femmes, Waly explique :

« C’est quelque chose dont je n’étais pas vraiment conscient, mais comme l’ensemble du monde. »

L’humoriste explique que sa prise de conscience est venue avec la naissance de sa fille.

Et si l’on choisissait de ne plus attendre d’avoir une fille, ou d’être confronté aux violences sexuelles touchant une membre de notre famille, pour entamer sa prise de conscience ?

1 – Écouter les victimes de violences sexuelles

Le premier conseil, c’est de mieux écouter. De ne pas mettre en doute la parole des femmes lorsqu’elles racontent leur expérience. De ne pas rejeter la faute sur elles.

Les victimes de violences sexuelles ne sont en effet pas toujours correctement écoutées, souvent à cause d’une méconnaissance de la réalité du viol par leur interlocuteur.

Un autre conseil est de se rendre compte que le sujet des violences sexuelles ne concerne pas que les femmes et les filles. Car le responsable dans un viol, ça n’est jamais la victime. Et que le violeur, dans la majorité des cas, n’est pas une violeuse.

99% des personnes condamnées pour violences sexuelles sont des hommes, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes.

2 – Être plus attentif à l’éducation des garçons

Étant donné ces chiffres, il est primordial d’éduquer les garçons sur ces problématiques.

Dans son interview, Waly évoque sa volonté de protéger sa fille :

« Maintenant que j’ai une fille je me suis dit comment on fait pour la protéger de ça et lui donner des techniques ?

Donc j’ai des techniques si jamais elle se fait suivre dans la rue pour qu’elle s’en sorte.”

Intention louable, mais qui ne règle qu’une partie du souci. Le fait d’apprendre aux filles à se protéger ne résoud que très partiellement le problème des violences sexuelles… Il est temps d’apprendre aussi aux garçons à ne pas devenir des agresseurs.

Pour mieux éduquer les garçons, il est nécessaire de relever certaines phrases et comportements qui relèvent de stéréotypes sexistes pour en discuter avec eux.

Dans cet article de madmoiZelle, Océane raconte comment elle a été confrontée au sexisme intégré des petits garçons dont elle était la babysitter, et comment elle y a réagi. 

En discutant avec eux quand ces derniers refusaient de manger dans un bol rose « parce que c’est pour les filles », ou exprimaient leurs émotions en donnant des coups et en devenant agressifs.

Océane relève, à juste titre, que les enfants sont capables d’entendre, d’écouter et de comprendre. Démonter des stéréotypes sexistes qui perpétuent la culture du viol, c’est plus facile chez un enfant que chez un adulte !

Tu peux aussi lire cet article de Clémence sur Rockie, qui donne des conseils pratiques sur comment expliquer la notion de consentement aux enfants.

L’apprentissage du consentement, c’est mieux si ça se fait avant l’adolescence !

Clémence conseille d’adapter le langage à l’âge des enfants. Tu peux par exemple dire :

“Si on te propose de faire quelque chose, comme jouer ou faire un bisou, tu as le droit de dire oui ou non, et les autres aussi”.

3 – Se renseigner sur les violences sexuelles

Pour être plus conscient des violences vécues par les femmes, l’information est essentielle.

Ça tombe bien, #MeToo a permis une libération de la parole et a rendu ces sujets populaires dans les médias, alors il n’est pas difficile de trouver de la matière ! On peut trouver plein d’articles sur le sujet… sur Rockie, par exemple ! Internet regorge aussi de de tribunes, de documentaires, ou encore de témoignages.

Dans les débats féministes, et surtout si tu n’es pas d’accord, tu peux d’abord essayer de poser des questions à tes interlocutrices. J’ai pu remarquer que, trop souvent, ce genre de discussions étaient difficiles à mener avec mes comparses masculins. Qu’ils avaient tendance à se braquer sans chercher à comprendre mon point de vue et mes arguments.

Qu’ils avaient tendance à détourner la conversation ou à attirer l’attention sur le fait que je m’exprimais mal, que j’énonçais des généralités… Sans faire l’effort de lire tel article ou de regarder tel documentaire que je leur avais conseillés. Si tu ne connais pas bien le sujet, ça n’est pas grave ! C’est l’occasion de te renseigner.

Personne ne te blâmera si tu ne sais pas et que tu essayes de comprendre en posant des questions. Cela montre que tu es ouvert au dialogue et, crois-moi, ça sera apprécié !

4 – Remettre en question sa socialisation masculine

Waly dit n’avoir jamais harcelé. Mais est-il vigilant lorsque ses potes le font, ou sifflent des meufs dans la rue ? Un certain nombre de comportements relevant du harcèlement sexuel ou de l’agression sexuelle découlent de la socialisation masculine.

À cause de la socialisation, des attitudes et des comportements sont attribués aux enfants en fonction de leur sexe dès leur naissance… ou même avant, si le petit garçon en devenir est agité dans le ventre de sa mère !

Par le biais des parents, puis de l’école et de l’entourage en général, ainsi que de la télévision, des livres ou des réseaux sociaux, les enfants intériorisent des rôles de genre.

Par exemple, alors que les filles auront le droit de pleurer et seront considérées comme des êtres fragiles et sensibles, les garçons devront se montrer forts et dominants. Sauf que quand les garçons grandissent, ça se traduit parfois par des actes violents et une pression à avoir le plus de conquêtes possibles…

Bref, la socialisation masculine a pour conséquence des comportements discutables, avec la pression de ne pas perdre la face devant ses potes, et pouvant aller jusqu’au harcèlement de rue… ou au viol.

Que les mecs pointent du doigt les comportements dégradants envers les femmes de leurs amis, collègues, etc, est donc primordial. Ne pas y prendre part n’est pas suffisant. Il faut en finir avec la pression qui existe au sein des groupes d’hommes, et réagir quand on est témoin de sexisme. Même si ça vient de son meilleur pote.

5 – En finir avec les stéréotypes sexistes

Remettre en question sa socialisation masculine inclut aussi de remettre en question ses stéréotypes, notamment sur les femmes. Penser qu’une fille harcelée ou violée l’a « un peu cherché », c’est être influencé par la culture du viol.

En comprendre les mécanismes permettra, à l’avenir, de ne plus participer au « victim-blaming », qui consiste à rendre la victime responsable de son agression, et à légitimer les actes de violence sexuelle.

Même si de nombreux hommes n’ont jamais violé ou même sifflé une femme dans la rue, ils doivent se saisir de la question des violences sexuelles. Pas pour voler la parole aux femmes, ni pour donner leur avis sur leurs histoires. Mais pour parler de ce qui se passe au sein de leur groupe social.

Et lutter contre ceux qui agressent, et contre les logiques et le système qui font qu’ils agressent.

Pour aller plus loin :

Je te recommande deux livres qui abordent le sujet, avec des angles et des tons très différents : Une culture du viol à la française de Valérie Rey-Robert et L’amour après #MeToo de Fiona Schmidt.

Tu peux également aller écouter les podcasts Les Couilles sur la table et The Boys Club qui abordent la question de la masculinité.

Et toi, que penses-tu de l’intervention de Waly Dia ? Quelle place les hommes peuvent-ils jouer dans le mouvement #MeToo ? Viens on en parle dans les commentaires !

 


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