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"Photo tirée de la série Girls"
Grossesse

Ai-je raison de faire un enfant, et autres questions existentielles

Enceinte de 4 mois, Clémence se pose beaucoup de questions existentielles, car la grossesse ce n’est pas toujours « que du bonheur ».

Avoir un enfant était un projet dont nous discutions avec mon mari depuis plusieurs années. Pendant longtemps, c’est resté un truc vague et lointain qu’on ferait peut-être quand on serait « grands » (Nota bene : on a commencé à sortir ensemble à 18 ans).

Puis, c’est devenu plus concret : on pensait en avoir envie tous les deux, mais on se posait beaucoup de questions et on voyait surtout les difficultés que poserait l’arrivée d’un enfant dans nos vies. Jusqu’au jour où on a commencé à voir des solutions plutôt que des problèmes et qu’on s’est dit qu’on était prêts.

J’ai eu un peu de temps pour me faire à l’idée après l’arrêt de ma contraception. Et la déception que je ressentais chaque mois au retour de mes règles me confirmait le fait que j’avais envie d’avoir un enfant avec cet homme-là.

Bref, tu l’auras compris, tomber enceinte n’était pas une surprise pour moi, mais cela ne m’empêche pas de ressentir des sentiments très ambivalents depuis 4 mois.

Non, la grossesse ce n’est pas « que du bonheur », il y a aussi des symptômes marrants et/ou relous, et surtout — dans mon cas — beaucoup de questions, de doutes et d’inquiétudes qui occasionnent parfois des insomnies ou des crises de larmes.

Est-ce que c’est inconscient de faire naître un enfant dans ce monde-là ?

Depuis que je suis enceinte, suivre l’actu est devenu encore plus anxiogène qu’avant. Crise écologique, montée des extrémismes, violences faites aux femmes… Pas un jour ne passe sans que j’aie des raisons de me dire que ce monde est dur, violent, injuste et que l’avenir sera peut-être pire. Alors, est-ce que ce n’est pas inconscient de ma part de faire naître un enfant dans ce contexte-là ?

Évidemment, c’est une question que je me suis pas mal posée avant de prendre la décision d’avoir un enfant. Avec mon mari, on en a parlé longuement. Lui, il est plutôt du côté optimiste de la force, ce qui rend la vie à deux si belle et si facile. Au quotidien, il réussit à voir le verre à moitié plein et me fait relativiser pas mal d’inquiétudes.

Ensemble, on a essayé de réfléchir de manière rationnelle et moins émotionnelle. Est-ce qu’on a actuellement les moyens (financiers, logistiques, affectifs) d’offrir une vie agréable à un enfant et de le protéger ?

(Sachant bien sûr que le risque zéro n’existe pas et que chaque couple est libre d’évaluer quels sont les moyens nécessaires de leur point de vue pour accueillir un enfant).

À cette première question, nous avons répondu oui, il nous restait alors à régler un autre point : Est-ce que notre enfant nous en voudra de l’avoir mis au monde, si la situation écologique et politique empire ?

Est-ce que notre enfant nous en voudra de l’avoir mis au monde ?

Tu as peut-être toi aussi lu des articles autour de la collapsologie, une discipline qui étudie la possibilité d’un effondrement à moyen terme de la civilisation industrielle. Je trouve ces théories intéressantes, quoique anxiogènes, et je me suis vraiment demandé à un moment comment notre enfant réagirait si dans 30 ans, il se retrouvait à devoir vivre dans un monde secoué par les catastrophes naturelles, les pandémies, les guerres, les pénuries, etc.

Et en fait, j’ai essayé de renverser la question en me mettant à sa place. Si cela arrivait maintenant, est-ce que j’en voudrais à mes parents d’avoir eu le projet de me faire naître il y a 30 ans ? Et ma réponse personnelle est non, parce que j’ai vécu 29 belles années remplies d’amour, de découvertes et de joies. Et rien ne pourra m’enlever ce bonheur-là, pas même la souffrance ou la mort. (Oui, désolée, j’attaque direct avec les sujets mortifères).

Alors je fais le pari que nous saurons offrir la même chose à notre enfant, ou du moins que nous ferons de notre mieux pour y parvenir, même si cela ne m’empêche pas de ressasser mes inquiétudes régulièrement.

Est-ce qu’on sera de bons parents ?

Et l’une de ces inquiétudes est justement de savoir si « faire de notre mieux » sera suffisant ? Est-ce qu’on saura prendre soin d’un enfant, l’aider à s’épanouir et à se construire pour devenir un individu autonome, libre, heureux et actif ? Est-ce qu’on saura faire preuve de suffisamment de patience, d’amour et de courage au quotidien ?  Est-ce qu’on parviendra à ne pas lui refiler nos névroses et nos peurs ?

Je te mentirai en te disant que j’ai réussi à répondre oui à toutes ces questions. Si j’ai pleinement confiance dans les compétences de mon mari (je ne l’ai pas épousé pour rien), je suis toujours pétrie de doutes sur ma capacité à être une bonne mère (d’ailleurs, je ne suis même pas sûre de savoir ce que ça veut dire « être une bonne mère »).

Je me connais, et je sais que je vais foirer des trucs, perdre patience, être à moitié présente avec l’envie profonde d’être ailleurs, et même devoir prendre le large quelques heures ou quelques jours parce que je ne supporte plus mon enfant. Et en fait, ce n’est pas très grave…

Nous ne sommes que des êtres humains et nous avons le droit à l’erreur. Ce qui compte, c’est de savoir se remettre en question pour améliorer les choses, et ça, c’est une qualité que nous avons tous les deux je crois. (Et qui explique sans doute ma forte tendance à l’introspection).

Est-ce que notre couple survivra ?

L’amour, la complicité, l’entraide et l’humour que je partage avec mon mari sont ce que j’ai de plus précieux dans ma vie aujourd’hui. Et j’ai peur que l’arrivée d’une tierce personne dans notre équipe ne fasse tanguer notre bel équilibre. Ou plutôt, je SAIS que l’arrivée du bébé va bousculer notre quotidien et va nous forcer à retrouver un nouveau mode de fonctionnement, et j’ai peur de perdre notre duo au passage…

D’ailleurs, selon les estimations du Dr Bernard Geberowicz, co-auteur du livre

Le Baby-clash : le couple à l’épreuve de l’enfant : 20 à 25 % des couples se séparent dans les premières années après la naissance du premier enfant.

Je suis si heureuse de notre belle communication, du fait qu’on n’accumule pas de rancœurs l’un envers l’autre : mais est-ce qu’on sera capable de continuer avec la fatigue ?

Est-ce que l’on connaîtra aussi le fameux déséquilibre en matière de charge mentale et de tâches ménagères créé par l’arrivée du premier enfant, dont parle Titiou Lecoq dans son livre Libérées ! Le combat féministe se gagne devant le panier de linge sale ?

La bonne nouvelle, c’est qu’on a pu échanger à deux autour de cette inquiétude et que pour l’instant, la grossesse n’a fait que renforcer notre complicité. Mais je sais que rien n’est jamais gagné sur ce plan-là…

Est-ce que ma carrière va en souffrir ?

La question de l’impact de la maternité sur la vie professionnelle des femmes est un sujet qui m’intéresse en tant que journaliste depuis des années. Mais je regardais la problématique d’un point de vue extérieur sous l’angle des inégalités femmes-hommes sans me sentir vraiment concernée.

Après tout, j’adore mon métier de journaliste, j’ai jusqu’ici toujours réussi à trouver des postes intéressants, stables et correctement payés sans trop galérer. Bref, je fais partie des privilégiées.

Sauf que la grossesse m’a plongée dans un état émotionnel que je n’imaginais pas. J’ai plus de mal à me concentrer, à rester intéressée par mes tâches quotidiennes et surtout à avoir confiance en mes capacités professionnelles pour l’avenir. Alors oui, la fatigue joue bien sûr, mais je me demande s’il n’y a pas autre chose de plus profond en train de se nouer.

Est-ce que je vais m’épanouir dans la maternité ?

Quand j’ai commencé à ressentir un désir d’enfant, je me suis tout de suite demandé si c’était bien une envie personnelle de ma part ou une réponse à une injonction à la maternité portée par la société, la pop culture ou mon entourage. Et en fait, je suis incapable aujourd’hui de démêler tous les fils.

Je pense avoir vraiment envie d’accueillir un enfant pour tout un tas de raisons : pouvoir lui transmettre des choses, donner de l’amour à une nouvelle personne sur Terre, partager un projet éducatif et familial avec l’incroyable personne qu’est mon mari… Mais je ne peux pas nier que je suis probablement influencée par les chouettes exemples parentaux autour de moi ou par les discours positifs autour de la parentalité.

Ce qui compte pour moi aujourd’hui (et ce que j’essaye de faire sur Rockie), c’est que chaque femme puisse mener sa vie comme elle l’entend sans être jugée. Et pour ça, il faut libérer la parole, analyser et déconstruire les injonctions, lutter contre les discriminations et les inégalités et proposer d’autres modèles.

En attendant, je traverse la grossesse avec une question en tête : « Est-ce que je vais m’épanouir dans la maternité ? » Et une réponse que tu trouveras peut-être assez peu satisfaisante : « J’ai décidé de tenter le coup ».

Verbaliser mes doutes et questions auprès de mon futur enfant

Après avoir lu toutes les questions que je me pose en ce moment (qui se doublent d’une culpabilité à ressentir des émotions négatives et à potentiellement les transmettre au fœtus), tu te dis peut-être que je n’ai pas l’air très heureuse d’être enceinte.

En réalité, je vis un peu des montagnes russes au quotidien puisque ces inquiétudes s’accompagnent de moments de bonheur très intenses où je pense à cet enfant à naître en étant étonnée d’avoir déjà des sentiments très forts pour lui (ou elle).

Et surtout, je prends le temps de verbaliser ce que je ressens en parlant à mon enfant à naître (même si au début je me sentais un peu ridicule à m’épancher auprès de mon ventre).

Le week-end dernier, je lui ai longuement expliqué que si je pleurais parfois, si je semblais inquiète, ce n’était pas de sa faute et que je l’aimais déjà. Que je me réjouissais qu’il ait choisi de venir s’installer dans mon utérus et que j’avais hâte de le rencontrer. Et là, ce petit être de 20 centimètres de long s’est mis à donner plein de petits coups contre ma main posée sur mon ventre, comme pour me dire : « t’inquiète, on est ensemble dans cette aventure ».

Évidemment, ça m’a fait pleurer à nouveau comme une madeleine, mais de joie et de soulagement cette fois.

Et toi, tu t’es posé quel type de questions avant d’avoir un enfant ? Tu as aussi ressenti des sentiments ambivalents pendant ta grossesse ? J’ai hâte de te lire dans les commentaires !


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