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Vis ma vie de lectrice publique

Alix est lectrice publique, un métier méconnu qu’elle exerce avec passion. Elle raconte son parcours, ses doutes et ses espoirs dans ce témoignage tout en finesse.

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Je m’appelle Alix, alias l’Oiseau Conteur, j’ai 32 ans et je suis lectrice publique à Bordeaux mais aussi un peu partout en France. Je suis lectrice publique mais j’aime mieux dire « raconteuse », parce que ça intrigue et que ça donne moins l’illusion de quelque chose de solennel. Lectrice publique, ça fait crieuse d’informations. Mais moi, je crie des histoires. Parfois, je les chuchote aussi.

Comment ai-je commencé à lire à voix haute ?

En 2009, alors que mon copain nous conduisait vaillamment d’Aix-en-Provence à Gräfenhainichen, une ville allemande connue pour… pas grand-chose, je lisais La Ligne verte sur le siège passager. Nous nous rendions à Ferropolis, une ancienne mine d’excavation recyclée en territoire de concerts, pour voir Linkin Park. C’était mon cadeau d’anniversaire, j’avais 21 ans.

On avait quinze heures de route et pour habiller le voyage, j’ai proposé à mon ami de partager avec lui le passage que j’étais en train de lire. Après m’avoir écoutée un petit moment, il m’a dit que je lisais bien, que ma voix était apaisante et agréable. Je me suis aussi rendu compte que j’aimais bien ça, lire à haute voix pour quelqu’un.

Alors j’ai commencé à lire de temps en temps, pour lui, pour mes amis. Mais ce n’est que plusieurs années plus tard, en 2014, que j’ai décidé d’en faire de vraies prestations, en entrant en métiers du livre pour travailler dans l’édition ou en librairie. Quand j’ai compris qu’on pouvait essayer de vivre de ce qu’on aime et surtout, quand j’ai commencé à écrire, moi aussi. Je suis licenciée en édition depuis. Mais je ne lis mes propres textes que depuis l’année dernière.

La première fois que j’ai lu pour un public, c’était dans un café associatif bordelais. C’était un public de proches et je leur ai lu la véritable histoire de La Reine des Neiges

, le conte d’Andersen. Après un moment de magie (mais aussi de rires : je ne vous spoilerai pas l’histoire mais parfois, ça vaut le détour…), j’ai eu de très beaux retours de mes participants/cobayes, dont certains sont encore fidèles au rendez-vous, à chaque représentation ou presque.

 

 

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C’est une bonne situation, ça, raconteuse ?

Qu’on se le dise honnêtement : je ne vis pas (encore) de cette activité. C’est un métier génial, hyper motivant et vivant, généreux dans les deux sens, le bonheur des gens, tout ça, vraiment. Mais c’est très difficile, comme dans tous les métiers de la culture, d’en faire une activité à plein temps, et ce pour plusieurs raisons :

D’une part, les idées reçues ont la peau dure. On pense que je fais ça pour les enfants, alors que mon public est essentiellement constitué d’adultes (avec un peu de curiosité, chacun peut y trouver son compte).

On pense que c’est facile, aussi. Que tout le monde peut se poser dans un coin avec un bouquin et lire à haute voix… Mais ce n’est pas si évident, de faire vivre un texte et de captiver un auditoire, il ne suffit pas de savoir lire ! Il faut aussi beaucoup travailler sa voix, s’échauffer, un peu comme les chanteurs et chanteuses, parce que ça évite de bafouiller ou de finir avec une extinction de voix quand on lit d’une traite pendant une heure ! Il faut savoir anticiper aussi, préparer ses personnages dans sa tête. Bref, c’est tout un programme et il faut de l’entraînement pour ça.

Mon salaire est aussi loin d’être stable : les établissements qui accueillent ce type de prestations sont souvent des structures associatives, des endroits qui voudraient mais ne peuvent pas toujours débloquer un vrai budget pour me recevoir. Donc je lis pour de petits cachets. Je pratique souvent la rémunération au chapeau, les gens me donnent ce qu’ils veulent. Aussi parce que parfois, je lis des textes d’auteurs et d’autrices que j’aime et dont je veux promouvoir le travail, mais que je n’ai pas le droit de lire contre de l’argent. Alors je laisse le choix à mes auditeurs de me remercier s’ils veulent et avec ce qu’ils veulent, du pourboire au sourire.

Pour pouvoir vivre, en plus de mon activité de lectrice-conteuse, je puise dans mon savoir littéraire et mes études et expériences dans le domaine livresque (en librairies et en maisons d’édition) pour exercer le métier de relectrice-correctrice en freelance, depuis 2018. Je corrige des textes de romans, de chansons, de jeux vidéo et autres, et le reste du temps, j’écris !

Comment ça se passe, une lecture publique ?

Après ce premier moment de gloire Andersenienne raconté plus haut, j’ai commencé à lire de façon plus ou moins régulière, dans ce café mais aussi ailleurs. Je vois toujours quelques têtes connues mais j’ai aussi parfois la douce surprise d’apercevoir de parfaits inconnus venus découvrir mon univers, à qui il arrive de revenir.

Se jeter dans le bain de l’oralité, ça fait toujours un peu peur, on a le même trac qu’un musicien ou qu’une actrice, je suppose. Peur de bafouiller, de voir le public s’ennuyer, de les décevoir… mais finalement, c’est comme à la piscine : une fois qu’on est dedans, on ne veut plus en sortir.

Il y a des textes qui me portent tellement que je n’en redescends parfois pas avant plusieurs heures. Il y a des moments de joie intense. Ce jour où j’ai lu pour trois vaillantes demoiselles mon livre préféré, et que deux d’entre elles en ont pleuré… J’avoue, je leur aurais bien donné mon cœur aussi. Je suis repartie de cette prestation avec un sourire qui ne s’est jamais vraiment éteint depuis.

Le choix des textes est capital. J’essaie de ne pas frustrer mes auditeurs en trouvant toujours des textes entiers, mais je ne lis jamais plus d’une heure, sinon je perds leur attention. Ça laisse une petite fenêtre de tir avec les romans courts, les nouvelles, les poèmes. Pour ce qui est de mes textes, des micro-nouvelles, je crois qu’inconsciemment je les écris pour qu’elles soient lues à haute voix.

Pour ceux d’autres plumes, il faut toujours que je fasse des essais sur mes amis-cobayes pour être sûre que les textes soient « écoutables ». Une syntaxe trop compliquée, des phrases trop longues et on perd son public. L’idéal, c’est de trouver des textes qui offrent à la fois l’évasion ou la rêverie et un langage pas trop éloigné de celui qu’on parle tous les jours. Comme si je racontais une bonne anecdote à des amis. C’est pourquoi il est plus facile de lire des auteurs contemporains, qu’on ne doit pas déchiffrer.

Ce que j’aime avec ce métier, c’est qu’il est aussi possible de faire des collaborations super enrichissantes : j’ai pu donner vie à mes propres écrits avec un pianiste, sublimer les mots d’Alessandro Baricco ou de Lewis Carroll avec un autre. J’ai monté une prestation de lecture dansée autour du Carmen de Prosper Mérimée, avec une danseuse qui incarnait l’héroïne. J’ai partagé des scènes ouvertes thématiques avec des conteurs (qui font un peu comme moi, mais sans support papier donc ça donne une tout autre dimension à l’histoire), etc. Tout autant de moments où j’ai appris à découvrir et vivre une création à travers un autre moyen d’expression.

Je me fais enregistrer, aussi, sur certains textes que j’ai écrits, le but étant d’en faire des livres audio … augmentés ! Mais tout cela est encore en projet. Ça fait six ans que je me suis lancée comme lectrice publique et, même si ce n’est pas toujours simple, lire pour les autres est un moment de partage unique.

C’est un peu retomber en enfance pour l’auditoire, c’est un peu se faire magicien pour le lecteur. Il y a généralement un moment convivial, en fin de prestation, où les gens me posent tout un tas de questions sur ce que je fais et sur les textes que je lis, questions auxquelles j’aime beaucoup répondre. D’ailleurs, je serais ravie de répondre à celles des Rockies intéressées par mon métier, par vocation ou juste par curiosité !

Vous pouvez retrouver Alix sur son compte Instagram, sa page Facebook et sa chaîne YouTube !

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